Les Tunisiens sont, décidément, une espèce toute particulière. Autant râleurs, tire-au- flanc, pinailleurs et adeptes du système D sont-ils en temps normal, autant se révèlent-ils solidaires, généreux, créatifs, dévoués en temps de crise.
Faut-il croire que la pression seule permet au meilleur de nous- mêmes de s’exprimer? Qu’il faut nous pousser dans nos extrémités pour que nous soyons les meilleurs ? Le fait est que ce corona, qui nous semble une des sept plaies d’Egypte, a permis de superbes initiatives, de brillantes inventions, de magnifiques mouvements.
On a vu des médecins, il y a peu taxés de tous les maux, au point qu’ils en arrivaient à contrecœur à partir pour d’autres cieux, monter au front, délaisser familles et sécurité pour se rendre taillables et corvéables à merci. On a vu des jeunes braver les risques et se proposer volontaires pour aider ces médecins.
On a vu d’autres jeunes, habitants de ce que l’on appelait avec dédain la principauté de La Marsa, collecter produits de première nécessité et les distribuer à leurs frais dans les quartiers défavorisés, sans pour autant le faire sous l’œil de la caméra. On a vu des étudiants d’écoles d’ingénieurs ou autres, rivaliser d’ingéniosité pour créer qui un nouveau modèle de visière, qui un respirateur, qui une cabine de désinfection. On a vu des ateliers de haute couture, inaccessibles au commun des mortels, mobiliser brodeuses et couturières pour faire des bavettes à distribuer.
On a vu des chaînes de solidarité se constituer, des initiatives inédites s’inventer pour soutenir la culture et ses agents souvent hélas, démunis. On a vu des start-up, que l’on a souvent qualifiées d’avoir les dents longues, se mettre au service des citoyens, et leur offrir, gracieusement, leur technologie. On a vu les banques, les assurances, les opérateurs de téléphonie, pas toujours réputés pour leur désintéressement, en faire preuve justement.
On a vu que le Tunisien était bien meilleur que l’on aurait pu le croire. Qu’il saura s’en souvenir quand tout cela sera fini.
Et qu’il démentira ce mot d’un internaute sceptique : « Calmez- vous ! C’est une épidémie, pas un miracle ! »